Le Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth a déclaré, le 31 août dernier, que les frontières mauriciennes ne peuvent rester fermées indéfiniment, mais qu’une seconde vague de la Covid-19 mettrait notre économie à genoux. Axys Stockbroking a essayé de tâter le pouls en effectuant un sondage informel auprès d’un échantillonnage de plus de 500 personnes, sur le « pour » ou « contre » la réouverture des frontières. Constat!
L’auteur de ce rapport, Bhavik Desai, Head of Research chez Axys Stockbroking, explique que deux questions s’imposent dans le cadre de la récente déclaration du Premier ministre, Pravind Jugnauth, sur la réouverture des frontières. Ces deux interrogations sont “how?” et “when?”.
« L’absence de «quand» (une date ferme) empêche une entreprise de prendre des décisions, d’élaborer un business plan, ce qui à son tour pèse sur les perspectives économiques nationales. Une autre préoccupation urgente est le «comment», c’est-à-dire les protocoles qui seront établis / mis en œuvre pour contenir la propagation du virus SARS-CoV-2. Des compromis devront être faits, tant par les opérateurs touristiques que par les citoyens, car le plan ne sera pas «parfait». Le dilemme découle de l’équilibre délicat que le gouvernement souhaite atteindre entre la sécurité de la population et la mise en marche de certaines parties de notre économie », explique-t-il.
Pour les besoins de ce document, Axys Stockbroking a interrogé ses clients, employés et le réseau de ses employés, soit au total plus de 500 personnes.
D’après les observations de ce rapport, Bhavik Desai affirme que « ceux qui ont souffert de la fermeture souhaitent la réouverture des frontières, tandis que ceux qui n’étaient pas encore touchés ou dont les affaires avaient repris depuis la fin du confinement étaient en faveur d’un statu quo».
L’île d’Aruba
Le Head of Research d’Axys Stockbroking cite l’exemple de l’île d’Aruba. « Aruba est une petite île des Caraïbes dépendante du tourisme avec une population de 120 000 habitants. Elle accueille quelque 1,1 million de touristes par an. Après avoir détecté son premier cas de Covid-19 en mars, l’île a rapidement fermé ses frontières et mis en place des mesures sanitaires. Comme Maurice, Aruba a réussi à freiner la propagation de la maladie », souligne le rapport.
Depuis le 1er juillet, Aruba a progressivement rouvert ses frontières à certains pays de la région et d’Europe. L’île a accueilli quelque 11 000 touristes le premier mois suivant sa réouverture, soit environ 12% de sa moyenne mensuelle pré-pandémique. Début août, Aruba a vu la réapparition de cas de Covid-19 transmis localement, ce qui a conduit à la réintroduction rapide des mesures sanitaires et à la fermeture anticipée des bars. Le nombre moyen de nouveaux cas sur 10 jours à Aruba au cours de la deuxième semaine d’août s’élève à environ 80 par jour. Cela a incité le Royaume-Uni à inclure Aruba sur sa liste de pays dont les voyageurs sont tenus de se mettre en quarantaine pendant quinze jours.
Bhavik Desai estime que même si Maurice rouvre ses frontières et que les hôtels proposent des offres alléchantes, les touristes ne vont pas venir en masse. « Nous ne voyons aucune raison pour laquelle Maurice devrait être différente d’Aruba ou des Maldives qui ont enregistré 5200 arrivées de touristes, soit 5% de sa moyenne mensuelle pré-pandémique, dans son premier mois après sa réouverture. Les touristes n’ont afflué ni en Grèce ni à Bratislava », explique-t-il.
Et d’ajouter plus loin que ; « lorsque Maurice rouvrira ses frontières, les protocoles, aussi bien pensés soient-ils, n’empêcheront pas la Covid-19 de revenir. Il est donc impératif de contenir / limiter au maximum la propagation de la maladie. Cela implique que les mesures sanitaires, au-delà du port de masques, devront être réintroduites. La «phase 2» du PM suggère fortement que ce sera le cas ».
73% pour la réouverture
Selon ce sondage, 73% de ceux sondés sont en faveur de la réouverture. Plusieurs arguments ont été mis en avant par ces derniers« Nous ne pouvons pas rester fermés du reste du monde pour toujours », ou encore « nous devons apprendre à vivre avec la maladie » et « l’économie souffre de l’absence de touristes ».
Ceux qui sont contre expliquent que ; « les avantages économiques seront limités, qu’une deuxième vague serait encore pire pour l’économie, et que les citoyens mourront prématurément ».
« Maurice devra rouvrir complètement ses frontières à un moment donné, en attendant, nous savons que les visiteurs seront autorisés à venir sous certaines conditions à partir du 1er octobre. Si un protocole / scénario gagnant-gagnant pour toutes les parties prenantes ne semble pas réaliste à ce stade, peut-être qu’une réouverture conditionnelle nécessitant une certaine forme de quarantaine – pas idéale pour les hôtels et les opérateurs hôteliers – pourrait offrir un compromis imparfait permettant à certains opérateurs de regagner de la traction. Essentiellement, Maurice entreprendra sa propre expérience dans quelques semaines », dit Bhavik Desai.
Trois scénarios possibles
Ce document esquisse aussi trois scénarios hypothétiques. Ainsi dans le « worst case scenario », la maladie réapparaît et se propage rapidement au sein de la population. « Si nous ne nous confinons pas, des milliers pourraient mourir. Ce serait une tragédie. Chaque famille perdrait probablement un être cher. Même si on nous demande de continuer à vivre avec la maladie, la perturbation des entreprises due au nombre d’employés prenant du temps pour s’occuper d’un parent, d’un enfant ou de soi-même, associée à la probabilité que les habitants restreignent les dépenses non-essentielles porteraient un coup très important à l’économie », explique l’auteur.
Le deuxième scénario est celui d’un « controlled opening ». « Chaque touriste entrant est tenu de se mettre en quarantaine pendant quinze jours et de subir deux tests pendant la quarantaine. Dans un tel scénario, le touriste mauricien typique qui passe 10 nuits ou moins en moyenne pourrait choisir de ne pas voyager, ce qui n’aiderait pas à atténuer les problèmes actuels des opérateurs touristiques. Alternativement, avant l’hiver nordique, Maurice – en tant que destination sans Covid – pourrait attirer encore plus de retraités européens qui pourraient passer plusieurs mois à louer des bungalows ou des appartements côtiers dûment autorisés. Cela contribuerait à son tour à stimuler la vente au détail et la consommation locales et non seulement à stimuler les petits opérateurs, mais également à augmenter les revenus du pool locatif au sein des différents développements IRS / RES / PDS. Cela pourrait également offrir à davantage d’hôtels la possibilité de devenir des centres de quarantaine. Tout ce qui précède implique évidemment des défis logistiques / pratiques qui pourraient s’avérer difficiles / compliqués à gérer », affirme le Head of Research d’Axys Stockbroking.
Le troisième scénario est celui du « running dry ». « Les réserves internationales brutes, comme son nom l’indique, sont des «réserves», c’est-à-dire un « rainy-day fund ». Les réserves n’existent-elles pas précisément pour être utilisées dans des moments et des circonstances difficiles comme cette pandémie? Dans ce cas, quel est le problème de brûler les réserves à ce stade? Selon la Banque de Maurice, nous avons suffisamment de réserves pour 14 mois. Si nous manquons dans un an, que faire alors? Eh bien, nous ne pourrons pas regarder Netflix, et nous devrons probablement frapper à la porte du Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir de l’aide. L’aide du FMI s’accompagne de conditions et d’un programme de réforme. N’est-ce pas peut-être ce dont notre pays a besoin? Un ajustement structurel de notre industrie de la canne à sucre, du secteur du tourisme, des opérations commerciales mondiales, de la fabrication, ainsi que des réformes de notre système de sécurité sociale à mesure que notre population vieillit », explique l’auteur.
À la question de savoir si le sondage d’Axys Stockbroking est biaisé? Le Head of Research répond ceci ; « Notre sondage est probablement biaisé. Nos clients investissent sur les marchés financiers et / ou sont généralement des professionnels. Nous avons donc probablement atteint principalement ceux qui gagnent plus que le salaire médian. Leurs opinions éclairées ne valent sans doute pas moins que celles que nous n’avons pas pu atteindre.
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