La mobilisation a été, encore une fois, planétaire. La diaspora mauricienne a répondu présente à l’appel du mouvement citoyen qui marche sur Maurice. En signe de solidarité et de soutien à la marche organisée par le Kollectif Konversasion Solider à Mahébourg ce 12 septembre, la diaspora mauricienne s’est mobilisée un peu partout en Europe (Milan, Berlin, Paris, Bruxelles) et au Canada (Montréal).
Ce mouvement est loin d’être un feu de paille. Les Mauriciens (à Maurice et dans la diaspora) se montrent plus déterminés que jamais dans l’histoire de cette petite île africaine perdue au beau milieu de l’Océan Indien. On se mobilise en masse avec une volonté farouche de changer de manière tangible la société mauricienne.
Ce samedi 12 septembre, la diaspora mauricienne s’est ainsi réunie devant la Commission Européenne à Bruxelles en Belgique, sur le Parvis des Libertés et des Droits de l’Homme du Trocadéro à Paris en France, à la Piazza Castello à Milan en Italie, à la porte de Brandebourg à Berlin et à Berri-UQAM à Montréal au Canada. Les messages forts de la contestation sont la lutte contre la corruption et une succession de scandales financiers, des dérives totalitaires, le népotisme et l’incompétence qui gangrènent les institutions mauriciennes ainsi que le droit de vote à la diaspora.
Le peuple mauricien a décidé de s’unir dans un élan de patriotisme inégalé. Ces manifestations du 12 septembre dans les diasporas viennent faire écho à celle qui se fait, le jour même, dans les rues de Mahébourg.
Combler le déficit démocratique
Cette mobilisation citoyenne se veut être un véritable réveil démocratique. Les mauriciens veulent installer de manière tangible une démocratie qui fonctionne au mieux. Les dysfonctionnements institutionnels sont incontestablement décriés par une population lasse de subir les affres de l’establishment politique, économique et idéologique.
“De fortes suspicions de fraude planent sur l’organisation des dernières élections générales de 2019. La liste des suspicions est longue. Des bulletins de vote rangés à la règle se sont retrouvés dans la nature, l’accès anormalement refusé aux candidats et des personnes officiellement décédées qui ont voté sont d’autres exemples d’irrégularités constatées lors des dernières élections”, explique l’une des responsables du Groupe Solidarité Belgique-Maurice, Meena Soobrayen.
La diaspora mauricienne en Belgique s’est mobilisée autour du Groupe Solidarité Belgique-Maurice à Bruxelles. Ce Groupe est actif depuis le début du confinement au mois de Mars. Son objectif était alors la solidarité et l’entraide entre les mauriciens de la diaspora en Belgique et ceux résidant à Maurice pendant la pandémie de Covid-19.
“D’autres faits sont tout aussi inquiétants. Plusieurs personnes pouvant voter, et considérées comme susceptibles de par leur appartenance ethnique de voter pour l’opposition, se retrouvent portées disparues des listes électorales”, poursuivent les portes-paroles du Groupe Solidarité Belgique-Maurice dans une communication à Aufait.
“On notera également l’impossibilité, pour des observateurs des élections générales, de suivre les ballots entre les bureaux de vote et les centres de dépouillement. Avec en prime, un retard inexpliqué dans le dépouillement des bulletins de vote. Des pétitions électorales sont actuellement déposées en cour. La population est impatiente de connaître le fin mot de l’histoire”, clament-ils.
Ceci, sans parler de l’interdiction de vote des mauriciens résidant à l’étranger, sujet de multiples demandes de la part de la diaspora. Cette revendication au droit de vote fait aussi écho au Canada, où Didier Castagnet s’est exprimé lors de la marche de la diaspora mauricienne à Montréal. Il évoque aussi un besoin de structurer la diaspora mauricienne dans l’intérêt du pays.
“Au-delà des manquements actuels des autorités et des institutions, c’est l’ensemble du système politique qui est aujourd’hui remis en question par une grande partie des citoyens mauriciens et de la diaspora”, synthétise parfaitement le communiqué de presse émis par la diaspora mauricienne en France. Le mouvement citoyen lancé en France a, notons le, organisé une table ronde citoyenne ce 12 septembre 2020 au Trocadéro à Paris.
Etat de droit en danger: Des dérives totalitaires menacent toujours
Les dérives dites “totalitaires” font, définitivement, tiquer la diaspora. En effet, on peut constater un recours croissant à diverses formes d’intimidation depuis plusieurs années et, cela, quelque soit le régime. Les gouvernements en place utilisent, de plus en plus, tout l’arsenal légal et parlementaire pour faire passer des lois répressives.
En ayant également recours à des arrestations arbitraires, les gouvernements successifs cherchent à limiter et sanctionner la liberté d’expression des citoyens ainsi que celle de la presse et des réseaux sociaux. Le recours à la force policière et à l’intimidation pour museler toute forme d’opposition au pouvoir en place atteint des limites inacceptables dans une démocratie.
La diaspora mauricienne basée en France dénonce fortement les diverses formes d’atteintes à la liberté d’expression citoyenne et des pratiques de propagande d’État ainsi que des affaires de corruption, de népotisme ou encore de la négligence institutionnelle. La démocratie mauricienne, selon elle, est actuellement en danger. “Les citoyens craignent un basculement si rien n’est fait contre cette dynamique”, souligne le communiqué de presse.
“Les scandales financiers se succèdent sans que les mauriciens puissent y faire quelque chose. Le St-Louis Gate, le Maradiva Gate, les achats de médicaments et de matériels médicaux pendant la crise de la Covid-19 par des entreprises étrangères au milieu médical font partie d’une liste de scandales à n’en plus finir. Le blacklisting du centre financier mauricien par l’Union Européenne en dit long”, explique Meena Soobrayen.
Népotisme et racisme institutionnalisés
“À la corruption, s’ajoutent le népotisme et l’incompétence qui entravent le fonctionnement normal des institutions mauriciennes. De l’exécutif en passant par le parlement ainsi que les entreprises d’Etat et les corps para-étatiques, le favoritisme et, son corollaire, l’incompétence enrayent l’appareil d’Etat qui ne fonctionne pas de manière optimale”, entendons-nous dire dans la manifestation à Bruxelles.
Des quatre coins du monde, les mauriciens dénoncent également l’utilisation des diverses identités culturels et religieuses par la classe politique traditionnelle qui a maintenu en son sein le pouvoir de l’île Maurice indépendante. “En effet, l’histoire politique de l’ile Maurice depuis son indépendance (1968) est jalonnée de multiples tentatives par les dynasties politiques d’attiser la haine raciale et/ou communale aidées par des associations qui se qualifient de ‘socio-culturelle et religieuse’, intégrant donc la composante religieuse dans cette équilibre fragile”, explique-t-on à Aufait.
Encore aujourd’hui, on peut voir de multiples tentatives de trolls sur les réseaux sociaux crachant le venin du racisme et du communalisme. Ces tentatives sont perçues par la population comme émanant des partis politiques historiques de l’île Maurice ainsi que de ces dites associations socio-culturelles et religieuses.
Un soulèvement citoyen sans précédent
Suite à l’échouement du vraquier MV Wakashio, la récente marée noire de plus de 1000 tonnes d’hydrocarbures a provoqué une catastrophe écologique majeure. Cela a comme conséquences de dramatiques retombées sur l’environnement mais aussi sur toute l’économie locale.
“Cette catastrophe écologique met en évidence les failles et responsabilités écrasantes du gouvernement de par son inaction dans la gestion de cette catastrophe de même que ses tentatives de ‘cover-up’ qui en découlent”, souligne la porte-parole du Groupe Solidarité Belgique.
“La communauté mauricienne de Belgique, dont le droit de vote lors des dernières élections leur a été refusé malgré les revendications, souhaite se joindre aux actions entamées et montrer sa solidarité et sa détermination pour obtenir la démission du gouvernement en place”, conclut Meena Soobrayen.
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