Une première en Grande-Bretagne. La justice britannique a reconnu pour la première fois, ce mercredi 16 décembre, la responsabilité de la pollution de l’air dans un décès.
La pollution de l’air a été jugée, par le médecin légiste adjoint de l’arrondissement londonien de Southwark, Philip Barlow, comme une contribution matérielle dans la mort d’Ella Adoo-Kissi-Debrah le 15 février 2013, alors âgée de 9 ans, à la suite d’une grave crise d’asthme à Londres.
En 2014, la justice avait exclu la pollution comme cause du décès et avait décidé qu’elle était morte d’une insuffisance respiratoire aiguë causée par un asthme sévère. Ces conclusions avaient été annulées en 2019 avec de nouveaux éléments scientifiques apportés en 2018 par le spécialiste britannique de la pollution de l’air, Stephen Holgate.
Ce dernier avait noté un “lien frappant” entre les hospitalisations en urgence d’Ella et les pics enregistrés de dioxyde d’azote (NO2) ainsi que des particules en suspension, les polluants les plus nocifs, à proximité du domicile de la jeune fille de 9 ans.
Philip Barlow doit publier un rapport le mois prochain. Ce, dans le but d’éviter d’autres décès liés à la pollution. Il est estimé qu’entre 28 000 et 36 000 décès survenant au Royaume-Uni chaque année sont liés à la pollution de l’air. Et selon l’OMS, la pollution tuerait 7 millions de personnes par an dans le monde.
Comme Rosamund Adoo-Kissi-Debrah, la mère d’Ella, l’a souligné, on ne réalise pas à quel point la pollution de l’air est dangereuse. En effet, celle-ci peut être très meurtrière. Une question de santé publique qui, pendant trop longtemps, n’a pas été prise au sérieux.
La pollution de l’air, par le biais des particules fines, affecte de nombreux organes. Elle cause de graves dégradations des fonctions pulmonaires, du système vasculaire (athérosclérose, vasoconstriction et hypertension, affecte le sang, le cerveau (dont les maladies neurodégénératives, entre autres), des altérations de la fonctions cardiaques ainsi que des troubles de l’appareil reproductif.
Réduction de la pollution: Une priorité du 21e siècle
En voilà donc une décision ‘historique’ qui a une résonance toute particulière en pleine crise du coronavirus. La santé environnementale et la santé publique sont intimement liées. Les activités humaines affectent l’environnement et celui-ci agit, en retour, sur la santé humaine.
Une étude sur la pollution causée par les particules fines publiée dans la revue Nature le 18 novembre dernier s’est penchée sur la question des sources de pollution atmosphérique par les particules fines et leur potentiel oxydant en Europe par les émissions des véhicules, entre autres.
Les résultats de cette étude suggèrent ainsi que c’est non seulement la quantité de particules fines respirée qui affecte la santé humaine mais également leur dangerosité est liée à leur potentiel oxydatif.
Cette étude rappelle également que la mauvaise qualité de l’air associée à des niveaux élevés de particules (PM) est l’un des cinq plus grands risques pour la santé dans le monde, avec l’hypertension artérielle, le tabagisme, le diabète et l’obésité.
Les initiatives et décisions de justice allant dans le sens d’une meilleure gestion de la pollution pour une meilleure santé environnementale vont en s’accroissant dans le monde.
Une étude parue dans la revue spécialisée Cardiovascular Research en octobre dernier a cherché à savoir dans quelle proportion la pollution pourrait également influer sur la mortalité due au Covid-19. Cette étude suggère que la pollution de l’air pourrait entraîner un risque accru d’environ 15% de mourir du Covid-19.
Il est ainsi estimé qu l’exposition à long terme à la pollution de l’air aurait contribué à 29% des décès dus au Covid en République tchèque, 27% en Chine, 26% en Allemagne, 22% en Suisse, 21% en Belgique, 19% aux Pays-Bas, 18% en France, 15% en Italie, 14% au Royaume-Uni, 12% au Brésil, 11% au Portugal, 9% en Espagne, 6% en Israël, 3% en Australie et seulement 1% en Nouvelle-Zélande.
Un rapport parlementaire français, adopté ce mercredi 16 décembre, invite à s’attaquer aux causes environnementales de certaines maladies telles que les cancers pédiatriques, les cancers, l’obésité et le diabète, entre autres. On parle ainsi de comorbidité d’origine environnementale et de terreaux favorables à la létalité du virus en évoquant la pandémie actuelle.
La Cour de Justice de l’UE, pour sa part, a estimé en novembre de cette année que l’Italie avait “enfreint le droit de l’Union sur la qualité de l’air ambiant” en dépassant de “manière systématique et persistante” les valeurs limites fixées pour les particules fines. De plus, elle a aussi été saisie d’un recours de l’exécutif européen contre l’Italie, concernant le dioxyde d’azote (NO2).
On peut citer d’autres pays européens. La France a été condamnée en 2019 par la justice européenne pour la pollution de l’air liée au dioxyde d’azote. Elle a été, cette année également, renvoyée devant la Cour en raison de la pollution due aux particules fines. De même que la Pologne, elle aussi condamnée en 2018 d’avoir dépassé les seuils de particules fines. La Belgique, elle aussi, est scrutée par les autorités européennes pour la pollution de l’air.
Selon l’Air Quality Life Index (AQLI), la pollution atmosphérique causée par les particules continue de réduire l’espérance de vie mondiale de près de deux ans. Dans son annual update en juillet dernier, il est indiqué que la pollution atmosphérique était le plus grand risque pour la santé humaine avant le Covid-19 et le sera après le Covid-19 sans une politique publique forte et soutenue.
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