La décision de la police de restreindre la circulation à Port-Louis dans le cadre de la comparution en Cour du ministre Sawmynaden, a été le sujet d’un live hier sur Facebook animé par Dev Sunnasy, membre du parti 100% Citoyens, et qui a vu la participation de Bruneau Laurette, Ivor Tan Yan et Rajen Narsinghen. Selon eux, cette décision est anticonstitutionnelle voire illégale.
2021 sera chaud et ça commence aujourd’hui, ce 7 janvier. Si on doit aller à l’église, aller vaquer à ses occupations habituelles à Port-Louis, ou encore, se balader dans les rues de la capitale aujourd’hui, on peut évidemment le faire tout en respectant la loi.
C’est ce qu’a déclaré Bruneau Laurette, activiste-citoyen, lors d’un live hier sur Facebook animé par Dev Sunnasy, membre du parti 100% Citoyens. Tout comme la police a donné des instructions, des consignes ont été données aux citoyens quant aux ‘do’s & don’ts’ afin de ne pas être en porte-à-faux avec le règlement très controversé de la police pour restreindre l’accès à certaines rues de la capitale aujourd’hui dans le cadre de la convocation du ministre Sawmynaden.
Pour rappel, le 29 décembre dernier, le ministre avait été hué par une foule réclamant sa démission. Il avait comparu dans le cadre de la Private Prosecution logée par Simla Kistnen. Cette dernière explique dans sa plainte que le ministre du Commerce aurait déclaré qu’elle est employée par lui comme constituency clerk. Ce qui n’est pas le cas, selon elle. Selon ses avocats, cela constitue une violation du Code pénal, soit un cas d’abuse of authority by public officer.
Mesures de Police contraires à la Constitution
Selon Rajen Narsinghen, juriste et professeur de droit de l’Université de Maurice, cette façon de faire s’apparente à un état d’urgence temporaire. Cette mesure de la police est, selon lui, anti-démocratique car elle est contraire à la section 1 de la Constitution (Mauritius shall be a sovereign democratic State).
D’autre part, il explique aussi que cette mesure est contraire à la sous-section 9 de la section 10 de la Constitution selon laquelle tous les procès en cour de justice sont, en règle générale, accessibles au public sauf pour cause de manque de place dans la salle d’audience. Et empêcher les personnes d’aller en cour est anti-constitutionnel, précise-t-il.
Il évoque également une violation de la section 15 de la Constitution qui garantit la liberté de circulation tout comme la section 11 qui garantit la liberté de conscience et de religion des citoyens. “Les Mauriciens ne doivent pas avoir peur des règlements qui sont anticonstitutionnels. Avec un panel d’avocats, on essaye de voir si on aura le temps de saisir le juge en chambre pour demander une injonction contre cette décision qu’on juge anticonstitutionnelle et illégale des autorités policières”, souligne-t-il.
En tant que citoyen et de manière civilisée, Rajen Narsinghen indique que nous devons être en mesure de témoigner notre soutien à la veuve de Soopramanien Kistnen afin que cette dernière ne se retrouve pas seule dans son combat tout en respectant l’ordre comme, par exemple, ne pas se regrouper à plus de 10 personnes selon le Public Gathering Act. Selon le juriste et professeur de droit, dans un pays démocratique, on ne peut pas accepter que la police prenne des décisions contraires à la Constitution.
Soutenir une veuve: Une responsabilité citoyenne
Pour Ivor Tan Yan, juriste et membre de 100% Citoyens, c’est avant tout une responsabilité de tout citoyen de s’engager à soutenir une veuve, avec à sa charge un enfant, qui vit dans la terreur. A quel problème s’expose-t-on si on veut aller à Port-Louis? Il y aura, selon lui, certes un accès contrôlé. Mais, aussi longtemps qu’on a ses papiers pour prouver son identité, on n’a même pas besoin de donner une raison spécifique pour pouvoir circuler librement dans le périmètre contrôlé car c’est un lieu public, explique-t-il.
Décision Politique
Par contre, il convient, selon Ivor Tan Yan, de se poser la question de savoir pourquoi ces décisions ont été prises. Il faut, comme il l’explique être réaliste et comprendre que c’est une décision politique prise par les plus hautes instances de l’Etat. “Il y a, là, une manipulation de la police. On doit ainsi se demander si on veut vivre dans un État policier comme c’est le cas ici?”, clame-t-il.
Il rappelle l’arrestation des frères Dardenne lors de la comparution des ministres du gouvernement dans l’affaire Wakashio à Mahébourg, alors qu’ils n’avaient, pour ainsi dire, rien fait au contraire d’autres personnes qui étaient venues manifester avec des banderoles devant la cour et qui n’ont pas été arrêtées, explique-t-il.
Il argue qu’en tant que citoyens responsables, nous devons nous demander si nous voulons que nos enfants grandissent dans un régime de dictature totalitaire. “Je pense que ce ministre doit démissionner. Il ne peut pas se retrouver dans le box des accusés et être un ministre en fonction”, soutient-il. Venir montrer son soutien à Port-Louis, aujourd’hui, doit être vu, selon Ivor Tan Yan, comme une remise en question du régime dictatorial dans lequel nous basculons.
Dictature et Etat policier
Rajen Narsinghen explique que selon la section 71 de la Constitution, le Commissaire de police a une indépendance dans la gestion de la force policière. “Il n’est pas tenu d’écouter le Premier ministre ou un quelconque ministre”, soutient-il.
“Nous sommes en train de basculer dans une dictature. Ces règlements sont des preuves additionnelles qui viennent étayer la thèse, dont je fais état depuis 2014-2015, selon laquelle Maurice, comme certains pays en Amérique latine et en Afrique, a déjà basculé dans une dictature”, précise Rajen Narsinghen.
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