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Private Prosecution: Tour d’horizon des cas qui ont abouti

Yogida-Sawmynaden
Yogida Sawmynaden

Alors que les Mauriciens d’ici et d’ailleurs s’attendaient, hier, à un dénouement au sujet de la “private prosecution” intentée par Simla Kistnen, ils devront s’armer d’un peu de patience. Les travaux étant renvoyés au mardi 12 janvier prochain. Aufait vous offre un petit tour d’horizon de quelques “private prosecutions” qui ont abouti dans le monde. 

La “private prosecution” intentée par Simla Kistnen à l’encontre du ministre Yogida Sawmynaden a été débattue hier, jeudi, 7 janvier. Le dispositif policier déployé était digne d’un épisode de la série Netflix, “Narcos”, série inspirée de la vie des barons de la drogue de la trempe de Pablo Escobar,  Miguel Àngel Félix Gallardo, Joaquin “El Chapo” Guzmán…

Du jamais vu à Maurice!  Les Mauriciens venus soutenir Simla Kistnen, confinés devant l’église de la Cathédrale, étaient séparés de la Cour intermédiaire par des barrières en métal d’un côté et des jeeps et blindés de la Special Mobile Force, de l’autre. Un cordon de sécurité pas aux goûts de la plupart de ceux présents. “Pa Special Mobile Force sa, Sorminaden Mobile Force sa…”, n’a pas hésité à lancer quelqu’un dans la foule. Et un autre de renchérir: “oui ena Sorminaden Support Unit tou”..

Le droit d’un citoyen d’intenter une poursuite pour une atteinte à la loi est une garantie constitutionnelle contre l’inertie ou la partialité des autorités. Cette “private prosecution” était le sujet de conversation des Mauriciens qui avaient fait le déplacement à Port-Louis. Chacun y est allé de son commentaire. “Ki fer DPP pa le pran case la”… “Tou sa prev ki ena la, pas assez, pe bizin fer tou sa cinéma la”… “Tous pourris”, pouvait-on entendre.  

Pour rappel, le représentant du Directeur des poursuites publiques a, sur un point technique, demandé le retrait de la charge provisoire comprise dans la “private prosecution” aguant que Simla Kistnen ne peut recourir au mécanisme d’une accusation provisoire pour loger sa “private prosecution”. 

 Dans sa “private prosecution”, la veuve de Soopramanien Kistnen accuse Yogida Sawmynaden d’avoir fait une “fausse déclaration” à la Mauritius Revenue Authority (MRA) à l’effet qu’elle est employée comme « Constituency Clerk », alors qu’elle n’a jamais touché de salaire concernant cet emploi.

Simla Kistnen avait alerté l’ICAC le 8 décembre dernier, mais le ministre n’a pas été convoqué jusqu’à présent.

Si le panel d’avocats de Simla Kistnen dit se battre pour que cette “private prosecution” aboutisse, l’issue d’une telle démarche est rarement positive, ici ou ailleurs. La dernière en date, celle de Bruneau Laurette à l’encontre des ministres du gouvernement dans le cadre du naufrage du Wakashio, s’est d’ailleurs soldée par un échec. 

Aufait vous offre un petit tour d’horizon des poursuites privées qui ont abouti.

Afrique du Sud

En 2014, neuf ans après la mort de leur fille dans son appartement à Palm Mews à Woodstock, les parents de Rochelle Naidoo, obtiennent enfin que justice soit faite. Ceci grâce à une “private prosecution”. 

 Le petit ami de Rochelle, Faizel Hendricks, avait affirmé qu’il se trouvait dans l’appartement de Naidoo le 28 juin 2005, quand il l’a vue se saisir de son revolver et se tirer une balle. À l’époque, Hendricks a été arrêté et accusé du meurtre de Naidoo, mais il a plaidé non coupable. L’affaire a été retirée par le directeur des poursuites pénales parce que les preuves n’étaient pas suffisamment solides pour justifier une condamnation. Une enquête judiciaire a révélé que la cause du décès n’était pas concluante. Ses parents étaient certains que leur fille ne s’était pas suicidée.

Les parents de Rochelle ont décidé de lancer une poursuite privée – un exercice rare et coûteux en Afrique du Sud. Ils ont dû payer une somme considérable en guise de garantie et se sont engagés davantage à engager des avocats principaux et des spécialistes en médecine légale. Près d’une décennie plus tard, cela en valait la peine car Hendricks a été envoyé en prison.

Voici ce que déclara l’avocat de la famille, Gideon Scheltema, à la fin de cette private prosecution; «Bien que les poursuites privées aient abouti, j’espère certainement qu’à l’avenir, il ne sera pas nécessaire que des particuliers se poursuivent les uns les autres, car cette obligation constitutionnelle incombe à la police»

Grande Bretagne

En 1995, WAR, avec Legal Action for Women et le Collectif anglais des travailleuses du sexe, ont aidé deux femmes à intenter les premières poursuites privées pour viol en Angleterre et au Pays de Galles après que le Crown Prosecution Service (CPS) ait refusé de porter plainte. En utilisant les mêmes éléments de preuve que le CPS avait indiqués comme insuffisants, une condamnation a été prononcée, avec une peine de 14 ans imposée (plus tard réduite à 11 ans en appel). 

En 2015, Lesley Delmenico a utilisé la transcription du procès comme base de la pièce “Pursuing Justice – Les travailleuses du sexe traduisent leur violeur en justice”.

Fraude de 88 millions de livres sterling

En 2018, Paul Sultana a été condamné après que la société qu’il avait fraudée ait engagé des poursuites privées.

C’est la plus grande fraude en Grande-Bretagne à être poursuivie avec succès en privé. Sultana, 51 ans, faisait partie d’une équipe de fraudeurs qui a persuadé la société d’ingénierie offshore Allseas d’investir 88 millions de livres en promettant des taux de rendement extrêmement élevés.

La procédure de “private prosecution” a été engagée après que le CPS ait décidé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour engager des poursuites.

L’entreprise a mené ses propres enquêtes et a utilisé du matériel fourni par la police et des informations issues d’une affaire civile, intentée avec succès contre Sultana. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement après une audience de six semaines.

Ouganda : Un ministre épinglé

Dans de rares cas de “private prosecutions”, le Directeur des Poursuites Publiques, peut reprendre le dossier en main. En Ouganda, la Buganda Road Court a permis au directeur des poursuites publiques de se saisir de l’affaire contre le ministre des Affaires étrangères, Sam Kutesa et d’engager des poursuites pénales contre lui pour avoir autorisé le retour de trois membres de la famille de l’homme d’affaires Ben Kavuyu des États-Unis  en plein lockdown suite à la COVID-19.

Le magistrat, Stellah Maris Amabilisi, a également ordonné à ceux logeant la private prosecution de transmettre les documents et les preuves nécessaires au bureau du DPP qui est mandaté par la loi pour engager des poursuites pénales au nom de l’État.

Cependant, le magistrat n’a pas intenté de poursuites contre Kutesa et ses coaccusés comme demandé  dans la private prosecution. 

L’avocat privé Ronald Otee qui a logé cette poursuite privée a saisi la High Court pour tenter de renverser cette décision, soutenant qu’il n’était pas bon que le magistrat autorise le bureau du DPP à prendre en charge l’affaire parce que ce bureau «n’agit pas dans l’intérêt public».

La Haute Cour a néanmoins confirmé la décision du magistrat autorisant le directeur des poursuites publiques à prendre en charge les poursuites relatives à l’affaire.