L’abolition de l’esclavage à Maurice est commémorée le 1er février. Mais que s’est-il véritablement passé le 1er février 1835? Car, la vraie libération des esclaves à Maurice a eu lieu bien plus tard, soit 4 ans plus tard, en 1839. Ceci, après une période dite d’apprentissage. En effet, l’asservissement qui devait prendre fin depuis plus de 4 décennies (Décret du gouvernement français – 1794) fut, encore une fois, prolongé…
Nous célébrons, en ce 1er février 2021, la 186e commémoration de l’abolition de l’esclavage à Maurice. Mais, savons-nous ce qu’il s’est vraiment passé le 1er février 1835? Remontons un peu l’histoire…
Malgré qu’un décret abolissant l’esclavage avait été émis par le gouvernement français en 1794, les colons français avaient refusé de le reconnaître. L’esclavage fût, ainsi, rétabli à Maurice en 1802 pendant le Consulat, sous Napoléon Bonaparte.
Si la traite négrière avait certes déjà été abandonnée dans les colonies britanniques quand les anglais prirent possession de l’île en 1810, il a fallut tout de même la pression de l’organisation abolitionniste, Anti-Slavery Society, pour que l’esclavage soit finalement aboli en 1833.
Le texte prévoyait, cependant, une application graduelle afin de ne pas provoquer, dans les colonies de plantation, un choc économique trop brutal. Les esclaves, eux, pouvaient attendre.
C’est ainsi qu’à Maurice, la loi prit effet le 1er février 1835. Maurice devenant ainsi la dernière des colonies britanniques à abolir l’esclavage. Mais les esclaves étaient-ils, pour autant, libres ce jour-là?
Le 1er février 1835 n’a jamais été une libération des esclaves mais, uniquement, un transfert de propriété des esclaves mauriciens, des propriétaires d’esclaves locaux (les maîtres) au roi Guillaume IV d’Angleterre.
Les documents l’attestent très clairement. Publiée dans la Mauritius gazette, le 17 janvier 1835, par le gouverneur de l’époque, William Nicolay, la proclamation de l’abolition de l’esclavage apparait telle qu’elle est. Il est écrit:
“Le Roi a fait une loi qui sera bientôt mise en vigueur, et qui vous fera connaître combien vous pourrez vous rendre, vous et vos enfants, heureux et respectable, par votre industrie et votre bonne conduite”.
“Sa Majesté et la nation anglaise ont acheté de vos maîtres le droit de vos services pour votre propre compte à la fin de six années pour quelques uns d’entre vous, et de quatre années pour d’autres, et à cette époque si vous vous conduisez bien, et si vous travaillez comme la loi l’ordonne, vous serez tous libres”.
Ce n’est; en fait, qu’une pseudo-liberté sous condition à la satisfaction d’un nouveau propriétaire. Une liberté conditionnelle que William Nicolay ne manque pas de rappeler dans la même publication:
“Mais souvenez-vous que cela dépend de votre conduite, et si vous êtes paresseux, désobéissants ou insolents, ou marrons, ou ivrognes, ou voleurs, vous pourrez bien ne pas avoir votre liberté pour plusieurs années. Le premier jour du mois prochain vous serez appelés Apprentis et non esclaves“.
“Ceux d’entre vous qui sont attachés aux habitations seront apprentis pendant six ans et ceux qui sont domestiques le seront pendant quatre ans”.
Et la section 4 de l’article 1 de cette loi dit:
“Le devoir de l’apprenti est de servir son maître auquel il est attaché avec zèle et fidélité, et de lui obéir en tout ce qui concerne son service, et qui n’est pas contraire aux lois”.
La pseudo-libération des esclaves le 1er février 1835 se fait, ainsi, sous conditions de bonne conduite et de continuer à servir le maître avec zèle et fidélité. Cela permet ainsi une transition graduelle vers une autre main d’œuvre, celle des immigrés indiens à Maurice. Le 2 novembre 1834, les premiers immigrés indiens arrivèrent à Maurice.
Quatre ans plus tard, entre le 1er février et le 31 mars 1839, il est dit que 53.230 apprentis dont plus de la moitié provenant des établissements sucriers, retrouvent cette liberté tant attendue.
Ils abandonnent ainsi les plantations de leur asservissement auquel un célèbre quotidien de l’époque fit, cyniquement, référence dans un article “La liberté c’est la promenade”.
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