Home » l’île Maurice : Le régime actuel étiqueté autocratique
Societé

l’île Maurice : Le régime actuel étiqueté autocratique

Government parliament

Un rapport de V-Dem Institute place l’île Maurice dans le top 10 des pays autocratiques. Le pays africains est précisément 8ème, derrière l’Inde.The recent developments in Mauritius come as a surprise to many observers”, est-il précisé dans le rapport. Rajen Bablee, Directeur Exécutif de Transparency Mauritius estime que “nous vivons un moment très important  pour notre démocratie.” Le député du Parti travailliste, Shakeel Mohamed qualifie lui la situation “d’extrêmement grave. Le rapport prend en compte divers événements depuis 2019 dont les élections générales de novembre 2019 ainsi que les marches pacifiques faites en 2020. 

Le rapport publié par le V-Dem Institute intitulé “Autocratization Turns Viral Democracy Report 2021” classe l’île Maurice en 8ème position. Elle est considérée comme une “major autocratizer”. 

Les autres pays dans ce classement sont la Pologne (1er), la Hongrie (2ème), la Turquie (3ème), le Brésil (4ème), la Serbie (5ème), le Bénin (6ème), l’Inde (7ème), Bolivie (9ème) et la Thaïlande (10ème).  

Selon le document, l’île Maurice, le Brésil et la Pologne sont des “Electoral Democracies”, alors que 6 autres pays du Top 10 sont des “Electoral Autocracies”, et un pays (la Thaïlande) est une “Closed Autocracy”

L’île Maurice qui a pourtant été qualifiée de “Full Democracy” en 2020, selon le Democracy index de The Economist, voit aujourd’hui le régime actuel étiqueté donc de “Electoral Democracy”. A titre de comparaison, le régime qui dirigeait le pays en 2010 prônait une “liberal democracy”, selon le rapport.

Pour résumer, dans une démocratie électorale, on tient des élections libres, équitables et périodiques, mais les droits civils ne sont pas bien protégés. Tandis que, les démocraties libérales protègent et promeuvent une gamme importante de libertés civiles en plus de tenir des élections libres et équitables. 

Autocratie : La méthode

Le rapport explique que l’autocratie suit généralement un modèle spécifique. “Tout d’abord, le gouvernement au pouvoir cherche à restreindre et contrôler les médias tout en freinant les académiciens et la société civile. Ceci est couplé avec le manque de respect envers les opposants politiques pour alimenter la polarisation tout en utilisant les rouages du gouvernement pour répandre la désinformation. Lorsque vous atteignez un stade avancé sur ces fronts, le cœur de la démocratie (les élections et autres institutions formelles) est alors attaqué“, souligne le rapport. 

Ce dernier souligne la forte baisse de l’indicateur de la qualité des élections (de 2019) à Maurice, découlant des allégations de fraudes électorales. “La période électorale a également vu des plaintes de fausses informations diffusées à la fois par le gouvernement et l’opposition. Avec le pandemie de la Covid-19, de nouvelles mesures antidémocratiques ont été adoptées, notamment la suspension du parlement en décembre 2020 et la dispersion des manifestations pacifiques”, est-il précisé.

Rajen Bablee : “Cela fait tâche”

Rajen Bablee, directeur exécutif de Transparency Mauritius est conscient de l’impact que cela aura sur le pays. “Cela fait tâche. Cette perception est provoquée par l’agissement de certains au gouvernement. Croyant bien faire, en faisant des courbettes, en faisant l’éloge du PM… Peut-être qu’ils sont en train de jouer un mauvais tour à notre démocratie,” dit-il. 

Rajen Bablee explique que dans notre modèle de gouvernement, le Premier ministre détient tous les pouvoirs.“On voit que Maurice est considérée comme un état autocratique. Dans notre modèle de gouvernement, le Premier ministre détient tous les pouvoirs. Comme on dit “he can hire and fire” n’importe quel membre du gouvernement. D’ailleurs c’est lui, qui choisit les candidats de son parti, de son alliance, ou qui est ministrable ou pas. Les lois de Maurice permettent aussi à ce que le Premier ministre ait le dernier mot en ce qu’il s’agit des nominations des postes clés,” dit-il.

Rajen Bablee | Directeur Exécutif de Transparency Mauritius

Rajen Bablee affirme néanmoins que ce n’est pas un phénomène nouveau. “C’était le cas pour les prédécesseurs de Pravind Jugnauth”, argue-t-il.  “Ce qui a peut être changé ou qui s’est accentué plutôt, ces dernier temps, selon mon point de vue: ce sont les courbettes et les discours élogieux des ministres et députés de la majorité à l’égard du PM. Ils se mettent volontairement en retrait, lors de leurs déclarations à la presse, pour mettre l’accent sur la vision, les prises de décisions, et les actions du Premier ministre, sans qui, rien n’aurait été possible ou faisable.On note d’ailleurs, par exemple, les nombreux “high level ou high powered committee” qui sont tous présidés par le Premier ministre. Tout cela ne donne pas l’impression qu’il y a une véritable délégation de pouvoirs.” explique-t-il

Le directeur exécutif de Transparency Mauritius fait aussi mention des lois qui sont toujours attendues à Maurice, tel que l’Electoral Supervisory Recognition. “Il y a aussi le financement des partis politiques et les lois par rapport au freedom of information qui aurait permis plus de transparence au niveau de la gestion de l’Etat.” 

Shakeel Mohamed : “Extrêmement grave”

Shakeel Mohamed, député du Parti travailliste, juge la situation “d’extrêmement grave”. “Ce n’est pas la première fois, que les institutions internationales nous critiquent. Dans le passé, Anerood Jugnauth avait balayé ces rapports d’une main. Il s’en foutait! Ce sont pourtant ces rapports, que les pays amis, ainsi que les institutions internationales ou même les investisseurs et les touristes regardent,” avance-t-il.

Il ajoute que le rapport vient confirmer la tendance qui avait commencé avec Anerood Jugnauth. “La démocratie est écrite dans la constitution mais si l’Assemblée nationale ne fonctionne pas, si le Premier ministre continue d’agir comme un leader autocrate, et que pour contester les élections cela prend 4 à 5 ans, on est alors dans une situation extrêmement grave.”

Shakeel Mohamed | Député du Parti travailliste